Jeannot est né le 17 juillet 1916 à l’Auberge des Adrets. Il était le doyen de notre commune. A 101 ans, il cultivait encore son jardin, et conduisait sa voiture quotidiennement, faisait les courses du ménage, buvait son petit apéro régulièrement. A part son mal de dos (fatigué des travaux de la terre) il était en pleine forme et avec un moral d’acier jusqu’à ces derniers mois. Inoxydable ! Son père ne l’a connu que trois ans après sa naissance, à son retour du front pendant la guerre 14-18. De ce fait, Jeannot était pupille de la nation. Il est allé à l’école des Adrets de sept à quatorze ans. Pendant toute sa scolarité, il a franchi à pied les six kilomètres aller et retour qui le séparaient de l’école, avec sa musette repas, livres et cahiers de classe et ce, par tous les temps. A quatorze ans, son certificat d’études en poche, il est pris comme assistant aux Eaux et Forêts. A seize ans il devient « leveur de liège ». Cela consiste à partir une semaine dans la forêt, installer un camp provisoire pour dormir plus ou moins à la belle étoile, confectionner sa gamelle dans du liège et installer les provisions pour la semaine. Ensuite grimper aux chênes lièges, les débarrasser de leur surplus et transporter le tout à dos d’homme jusqu’à la route où une autre équipe se chargeait du transport. Cela se passait en saison d’été. Le reste de l’année était consacré à l’entretien du massif de l’Estérel qui était à cette époque très bien tenu, nous racontait Jeannot.
Pendant son service militaire, la guerre se déclare (39- 45). Comme il avait passé son permis de conduire en juillet 1935, il devient chauffeur du commandant de l’aviation à Istres et agent de liaison. « Je devais partir à tout moment par des petites routes, la nuit, avec les phares masqués, pour ne pas être repéré par l’ennemi.». Il lui arrivait de parcourir jusqu’à 400 à 500 km par jour ! Il entre en résistance avec le brigadier forestier Dubois qui a réuni une quarantaine d’hommes décidés des communes du canton, la FTPF. Ils vont traverser de nuit à pied par la forêt tout l’Estérel, des Adrets à Bagnols en Forêt, pour accueillir régulièrement les parachutistes et parachutes de matériel et participer à des actions diverses. A 27 ans, libéré des obligations militaires, il rencontre Jeannette. On est en décembre 1943, elle a 19 ans, ils se marieront un an plus tard en décembre 1944. Il quitte l’Auberge pour habiter au Hameau des Gabriels où il a passé tout le reste de sa vie. En 1948, nait Eliane, leur fille unique. En plus de son travail aux Eaux et Forêts, Jeannot va piocher les vignes des anciens, faire son vin et son alcool, (il a arrêté depuis que les alambics sont interdits). Il chassait, cultivait son potager avec Jeannette qui en plus de très bien cuisiner, confectionnait depuis toujours des conserves de leurs légumes. Jeannot et Jeannette ont toujours été de grands travailleurs changeant d’activité selon les saisons. Le mimosa en hiver, les fraises au printemps. Ils ont pendant des années cultivé ensemble les fraises dans plusieurs terrains (une centaine de kilos par jour). Jeannot sera aussi passionné d’apiculture.
Le dimanche Jeannot faisait du vélo. Il parcourait régulièrement la route entre Les Adrets Nice en passant par Grasse. Il s’en fera construire un sur mesures avec lequel il descendait l’Estérel à plus de 100 km /h. « Les voitures ne pouvaient pas me suivre » nous dira-il. Il a passé 36 ans au Conseil Municipal (six mandats) dont certaines années en clandestin résistant. Jeannot travaillait toujours aux Eaux et Forêts . Il devient chef d’équipe des Pompiers Volontaires. Il fût aussi Vigie au Mont Vinaigre et il pouvait surveiller à l’aide d’un viseur et une carte d’état major les éventuels départs de feu. Il sera le premier à inaugurer la tour actuelle du Mont Vinaigre. Depuis qu’il était en retraite et malgré ses multiples activités, il a réussi à voyager dans le monde entier : Allemagne, Norvège, Russie. Il connaissait la France « comme sa poche ». Il a toujours été en tête de nombreux projets ! Ce sont des gens que l’on peut prendre comme exemple d’avoir réussi une vie commune de 73 ans pleine d’amour et de passion pour la nature. Personnellement et avec mon épouse Corinne, nous les connaissons comme voisins depuis les années 70 et avons toujours le même plaisir de les voir, discuter, écouter leurs conseils. Nous avons aussi au fil des ans, pu apprécier la qualité de leurs produits que ce soit les œufs, légumes, fraises, miel, vin, pastis, gnôle maison etc. On les aime quoi ! Respect.
Propos recueillis par René Guérin